Un groupe de travail pluridisciplinaire et bénévole (chirurgiens, kiné, dermatologues..), coordonné par le Dr. Marion Pelissier, s’est penché depuis 2006 sur le problème de la reconstruction mammaire et le vécu des femmes après mammectomie. Les chercheurs se sont fixés deux objectifs : faire un portrait des femmes concernées, au niveau psychologique et social, et amorcer une réflexion sur les remboursements de la Sécurité Sociale. Leur rapport sera remis en juin 2008 à la Ligue nationale contre le cancer à Paris, aux caisses d’assurance maladie et aux autorités de tutelle.
L’étude repose sur un questionnaire remis à 700 patientes par les équipes soignantes et par les infirmières de consultation. Un groupe de parole d’une douzaine de femmes a également été constitué. Les patientes expriment généralement leur besoin de soutien psychologique à des moments précis, surtout au moment difficile de la prise de décision mais aussi au cours du long parcours de la reconstruction.
Les résultats détaillés du questionnaire révèlent une carence d’information en matière de reconstruction mammaire. Or les femmes désirent participer au choix de leur reconstruction, ne pas se la sentir imposer, même si, en dernier recours, c’est toujours le chirurgien qui décide d’après le profil ou la qualité de la peau. La Ligue de l’Hérault a déjà rédigé une brochure sur ce sujet, qui traite des aspects techniques et des aspects psychologiques, par exemple l’impact de l’intervention sur la sexualité. Elles sont à disposition dans les lieux de soins, les cabinets des spécialistes et les comités départementaux de la Ligue.
Autres vœux : la consultation d’annonce de la maladie par le chirurgien doit pouvoir être prolongée, en prévoyant par exemple des postes d’infirmières de consultation. Une expérience intéressante est menée par le centre René Goducheau de Nantes qui a mis au point un support vidéo : les patientes sont invitées à une projection suivie d’un débat.
Enfin le groupe de spécialistes a planché sur les anomalies en matière de remboursements de la sécurité sociale. Ils s’avèrent très mal adaptés aux techniques modernes de la chirurgie reconstructrice et entraînent des inégalités dans la prise en charge. La tarification de la sécu est à revoir intégralement en la matière. Exemples : le lipomodelage qui améliore les résultats de l’opération n’est pas coté, donc pas remboursé. Ou bien : un chirurgien n’est rémunéré en totalité que pour un seul acte, le deuxième est payé à 50% et les suivants ne sont pas rémunérés. Ainsi lors d’une mastectomie avec prélèvement d’un ganglion sentinelle et une reconstruction immédiate, le chirurgien travaille en grande partie gratuitement s’il s’en tient au tarif conventionnel. Ou encore : un cathéter qu’on pourrait sans difficulté poser au cours de la première intervention n’est pris en charge que s’il est placé lors d’une chirurgie séparée ! Autre interrogation : pourquoi les pigments très coûteux utilisés pour la reconstruction de l’aréole ne sont-ils pas remboursés ?
De façon générale les dépassements d’honoraires constatés dans le secteur privé ne sont pas toujours pris en charge par les mutuelles. En secteur public, il n’y a pas de dépassement mais les délais de prise en charge sont souvent plus longs : un an, voire deux ans d’attente. Et de plus en plus d’hôpitaux publics orientent leurs patientes vers le secteur privé pour la reconstruction car ils n’ont pas les moyens de mobiliser des blocs opératoires pendant les longues heures que dure cet acte.
Selon leurs moyens, les patientes ayant déjà subi dans leur chair la douleur de la mammectomie sont donc en partie livrées à elles-même, sans pouvoir bénéficier de la solidarité nationale. Il est grand temps de rétablir l’égalité pour toutes les femmes !