A 30 ans, Catherine Preljocaj entend nommer sa maladie : cancer de l’estomac. Elle en viendra à bout neuf mois plus tard. Mais il lui faudra bien plus de temps pour transformer sa vie, rongée par la violence d'une famille repliée sur des traditions qu'elle ne supporte plus : c'est cela guérir vraiment, dit-elle. Un caractère de combattante qui a profité à ses soeurs et qu'elle partage désormais au quotidien dans son métier.
En pleine chimiothérapie, Catherine fait un rêve étrange : « ma mère, mon père et moi échangions des mots d’amour, pour la première fois ; ensuite ils me prenaient tout à tour dans leurs bras et, tout en me consolant, mes parents me guérissaient. J’ai rêvé au miracle de l’amour. Et… si c’était possible ? »
Pourtant, une issue heureuse n'était pas donnée d'avance. À la maison, depuis toujours, l'atmosphère est tendue et violente. Les enfants sont battus. Pas une marque d’affection, pas un geste tendre.
Pendant dix ans, Catherine n'a de cesse que son rêve devienne réalité. Mais un jour, de guerre lasse, elle dit à sa mère : « si tu ne m’aimes pas, tant pis pour toi. J’ai suffisamment d’amour autour de moi ». Quelques semaines passent. « Et puis, un jour d’été, je suis entrée dans le salon, ma mère s’est avancée, et m’a prise dans ses bras ; j’ai cru que j’allais mourir. Au sens propre. J’avais attendu ça toute ma vie. Ma grande sœur Gina était là, on s’est mis à pleurer toutes les trois. Je faisais un bond énorme dans ma propre considération. »
Sur l'itinéraire de sa guérison, une autre rencontre heureuse : le médecin personnel du Dalaï Lama. « Rappelle-toi les souvenirs joyeux », écrit-il sur l’ordonnance. Petit à petit, ses cinq sens en éveil, elle fait mouche : « je revoyais un visage souriant, j’entendais une parole drôle, il faisait chaud, ça sentait la menthe… » Miette par miette. Ce que son mental avait enfoui, son corps lui restituait. Comme l’appétit vient en mangeant, dit-elle, je ne me suis pas privée !… Et de conclure : « Je ne me suis pas intéressée à la maladie mais à ma vie, c’est ça qui m’a sauvée ».
Gina, sa grande sœur complice, emmenée de force pour la Yougoslavie en vue d’un mariage arrangé et revenue en France, a trouvé le courage, grâce à Catherine, de reconsidérer sa vie : « Sa maladie m’a fait prendre conscience de l’aspect éphémère de la vie. Je suis devenue co-créatrice de ma vie. J’ai fini par divorcer dans une culture où l’on ne divorce pas. J’ai quitté l’impuissance. »
Pour sa cadette, Sylvie, c'est aussi la force de sa grande soeur dans son combat contre le cancer qui lui donne le goût de faire face à l’adversité : « Il y a trois ans, mon mari est parti du jour au lendemain et j’ai trouvé, grâce au courage de Catherine, la force de ne pas m’effondrer. Elle m’a communiqué sa façon positive d’envisager la vie.»
Catherine est aujourd’hui consultante en développement personnel. Elle énumère les ingrédients de sa recette : « Parlez vrai avec votre famille et vos amis ; n’hésitez pas à contacter les associations ; écoutez de la belle musique (« La vie en rose » de Piaf a été mon anti-dépresseur) ; ressassez les beaux souvenirs ; précisez-vous des objectifs ; vivez au jour le jour ; sortez de l’orgueil et du déni ; laissez faire la vie ; faites-vous confiance ; allumez une bougie avec une intention ; si le contact direct avec la nature est difficile, regardez le ciel, la lune, les étoiles ; faites le point régulièrement sur votre vie, le plus honnêtement possible ; donnez, recevez ; à l’hôpital, si le médecin se comporte comme un garagiste, rappelez-vous que c’est un être humain ; et surtout n’oubliez pas la gratitude. »